Travailleur pauvre et allocataire du RSA depuis 5 ans, Alain Guézou se bat pour faire entendre la voix des « invisibles » au sein de l’association qu’il préside : RSA Coop. En 2013, il a parcouru à pied les 612 kilomètres qui séparent Grenoble de Paris afin d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur les effets pervers du RSA. Rencontre avec une bête médiatique à la personnalité complexe.
« Bonjour Monseigneur ! » C’est ainsi que l’un de ses amis interpelle Alain Guézou, 57 ans, assis à la terrasse d’un café du centre-ville de Grenoble. Il n’est pas le premier passant, ce vendredi après-midi, à se presser pour lui serrer la main ou lui souffler un baiser. Le militant RSA est populaire, dans tous les sens du terme.
Alain Guézou ne pensait pas devenir, un jour, un travailleur pauvre. Issu d’une famille bretonne aisée, il suit des études d’histoire de l’art celte à l’Ecole du Louvre. Malgré son asthme, il effectue son service militaire, « pour être comme tout le monde », rencontre bientôt la fille du propriétaire d’une usine de textile et l’épouse en 1979. Son beau-père ne voit pas d’un bon œil les études d’Alain Guézou. Il lui propose de rejoindre son entreprise en tant que comptable. Alain accepte de changer de voie et prend des cours du soir. Un bac +5 en poche, il travaille dans un cabinet d’expertise pendant 25 ans, a un train de vie confortable. L’hiver, avec sa femme et ses trois enfants, il part skier à Chamonix. Jusqu’au divorce. Son métier lui demande dès lors trop de temps pour assumer la garde de ses enfants. Il démissionne en 2007.
Le père de famille ne parvient pas à retrouver un emploi : il est trop vieux, donc trop cher. Rapidement, le chômage lui fait perdre pied, il touche seulement le RMI, ses amis l’abandonnent et « des pauvres [l]’aident à remonter la pente. » Au RSA depuis la création de cette allocation en 2009, Alain Guézou décide de fonder la Maison du RSA puis RSA 38 – devenu RSA Coop –, deux associations d’entraide destinées aux allocataires du Revenu de solidarité active et aux personnes en situation précaire. Ensemble, la centaine de membres de l’association RSA Coop réfléchissent à des solutions pour réformer le RSA.